Poète Robert Desnos: "la Clef des Songes" 41


Toujours à la radio, Robert Desnos et Jérôme Arnaud, eux, faisaient "La Clef des Songes": des acteurs jouaient des rêves envoyés par des auditeurs, que Desnos, ensuite, traduisait. Robert Desnos, encore un copain de Papa, avec des poches noires sous ses gros yeux. J'étais allé le voir, fin 1939, à Radio-Luxembourg, pour lui proposer l'idée d'un jeu radiophonique basé sur des sons et bruits plus ou moins familiers qu'il fallait reconnaître: l'oeuf au plat qui grésille, le pneu qui se vide par la salve, la gifle, mais pas la chasse d'eau !


A propos de gifle, au cours d'une représentation théâtrale d'avant-garde où un détachement de surréalistes applaudissait avec un violent enthousiasme, un spectateur très sérieux et très mécontent et du spectacle et des applaudissements effrénés, se tournant courroucé vers Desnos, lui dit d'un ton écoeuré: "Monsieur, vous et vos amis, vous êtes la claque!!!" Desnos, géniale et spontanée inspiration, lui flanquant alors une énorme gifle, lui dit d'un ton également sentencieux et comique, mais sans réplique: "... et vous, Monsieur, vous êtes la joue!"

Le poète Robert Desnos mourut au camp de concentration de Térézine, en Tchécoslovaquie, en 1945.

Le seul souvenir instructif de mon "placement" en milieu culturel haut de gamme, fut lorsque Francis, le fils scientifique m'apparut une nuit, dans notre cabinet de toilette commun, le visage et les mains luminescents, comme une montre, car couverts de produits fluorescents, tel un sorcier nègre. J'ai beaucoup ri, d'autant que son gant éponge diffusa longtemps une incongrue et céleste lumière. Francis travaillait avec Frédéric et Irène Joliot-Curie. Farceurs, les savants atomistes !

Perché sur mon balcon solitaire, je rêvais souvent devant le silencieux panorama imprenable de l'immense cimetière Montparnasse. On aurait dit une vue aérienne de Los Angeles, avec plein de petites maisons au carré, formant d'interminables rues à angle droit. De noires fourmis pliées en deux s'affairaient avec des fleurs spécialisées, des arrosoirs et des outils de jardins nains.

Les cimetières ne font, ne tolèrent le bruit que pour Sartre, Coluche ou Serge Gainsbourg. Sinon c'est le silence, sauf quelques chats amoureux et oiseaux, comme chez eux. Aux jardins publics, aux plantations domestiques, je préfère cent fois les cimetières. Il y a de la présence, tous ces êtres seulement endormis, de la lecture, de la pensée, et des rires parfois.

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