Kissinger et Mao, capitalisme en Chine 46

Les Etats-Unis ne pouvaient ignorer éternellement que l'eau bouillait à 100 degrés. Grâce à la fraternisation sportive euphorisante de la période "ping-pong" ils purent enfin, en 1972, reconnaître, sans perdre la face, l'existence d'un milliard de Chinois tout rouges et aussi tout bleus.

Ce fut l'affaire de l'habile "Dear Henry" Kissinger que de préparer ces touchantes retrouvailles, n'en déplaise au Général sus-nommé qui avait inventé avec succès une Chine Nationaliste, très prospère, à Formose. Le bon Dr.K., qui avait perdu sa valise lors d'un changement d'avion couleur de muraille et emprunté des vêtements trop étroits au Commandant de bord... alla donc voir en cachette, à Pékin, du 9 au 11 juillet 1971, Mao et supersmart Chou-En-Lai.

En plus du succès, d'ailleurs prévisible de sa mission, "Dear Henry" rapporta à "Tricky Dicky" - Richard Nixon, son boss - une anecdote très éclairante quant à la finesse des Grands Chinois d'alors. Mao lui ayant demandé s'il croyait que la mort subite de Khroutchev aurait une vraie importance pour l'avenir de l'URSS, Kissinger lui avait répondu: "Je ne pense pas vraiment!" et, Mao, alors, lui avait dit: "En effet, je ne le pense  pas non plus. Mais moi, ce dont je suis sûr, c'est que dans ce cas-là, Onassis n'épouserait certainement pas la Veuve Khrouchtchev!"

Dans les années 70, le monde entier se gaussait encore de la pauvre Chine, tout en reniflant un milliard et plus de consommateurs potentiels quand ils auraient atteint une vitesse de croisière économique correcte. Dans les années 90, les dollars, les marks, les francs affluaient. 
La Chine se refaisait à toute allure et sans pitié pour les pauvres une fracassante et insolente beauté: gratte-ciels, hôtels de luxe, usines, informatique de pointe, verre et acier. La dialectique commerciale chinoise,  noyeuse de baleine, l'hermétisme souriant-zen de la pensée orientale rendaient fous les businessmen américains et occidentaux.

Les contrats rediscutés à l'infini, les engagements non tenus, quelques grains de riz de corruption ne décourageaient pas les diplômés de la fameuse Harvard Business School et autres super écoles, hommes-de-terrain bouyghesques rompus au baratino-marketing gagnant. 
Ils oubliaient que les Chinois étaient plus forts, parce que plus patients, que les Japonais et que leur culture avait 2000 ans d'avance sur la leur; que les Japonais étaient plus forts que les Libanais, que les Grecs, que les Indiens, voire que les Auvergnats.

Ils oubliaient aussi leurs prédécesseurs tout fiers d'avoir vendu des usines clefs en main aux Coréens, à Macao, aux Taïwanais, à toute l'Asie du Sud-Est, et qui avaient eu leurs tronches de yuppies satisfaits sur la couverture des pompeux magazines pour hommes d'affaires: "Businessman of the Year", qu'y zétaient, les fouilles agitant les bons dollars Hong-Kong ! 
Et puis trois ans après, l'Europe, l'Amérique, l'Afrique étaient inondés de chandails, de bagnoles, de transistors, de télés, de fausses Lacoste, de fausses Vuitonneries, de fausses montres Cartier, made in Corea, Taïwan etc à des prix "Paris Pas Cher", fabriqués dans ces fameuses usines clefs zenmains. Alors bonjour les fermetures de fabriques de slips, les licenciements chez Renault, et les larmes chez Hermès dans les foulards-Mémères des XVIèmes rugissants !

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