Jusqu’au milieu du XIXème
siècle, le dynamisme tropézien s’exerça dans le commerce en Méditerranée, dans
les chantiers navals, la pêche, l’agriculture. Le plus illustre Tropézien est
Pierre-André de Suffren (1729-1788), vice-amiral de France,
« Gouverneur » de Saint Tropez.
Avec son navire amiral
« le Héros » et ses marins tropéziens, il est, sur mer, le
« tombeur » des Anglais qui les surnomment « Admiral
Satan », tant il jure, rote, pète et tempête, un perroquet juché sur son
épaule. Il aurait pu faire de Trafalgar une victoire de Napoléon…21 octobre
1805, trop tard ! Bailli de l’ordre de Malte, il a sa statue au milieu du
port.
Le 12 avril 1887, rongé par
une syphilis sans espoir, Guy de Maupassant croise une dernière fois en vue du
Golf de Saint Tropez, à bord de son « Bel Ami ». S’en suit un texte
dithyrambique sur « la fille de la mer…l’adorable rivage
méditerrannéen… » Paul Signac, séduit et alléché y aborde à son tour en
mai 1892, avec son « Olympia », et il s’écrit :« J’ai de quoi
travailler pendant toute mon existence ; c’est le bonheur que je viens de
découvrir ! »
Afflueront alors tous les
jeunes artistes : Matisse, Dufy, Manquin, Puy, K.X.Rousssel,
Marquet, Camoin, Maurice Denis, Bonnard, Picabia, Kisling, Dunoyer de
Segonzac, et Colette, Francis Carco, Vildrac.
Les artistes furent
naturellement les premiers à prendre des bains de mer, alors que le pêcheur
tropézien n’est pas follement hydrophile…Leurs épouses, compagnes ou
« modèles », se firent bronzer, nues, étendues, sur le sable des
plages et criques encore désertes, ointes d’huile d’olive naturelle du pays,
additionnée de jus de citron, contre les moustiques.
Suivirent, comme partout
ailleurs, les « gens du monde », la gauche surréaliste aisée, le pré
jet-set en Hispano, Charlie Chaplin,les yachts sur pilotis, plantés de
glaïeuls et la lutte finale des congés enfin payés de 1936-les-Marcels…La suite
dans une incertaine presse.
En 1891, année de sa mort, on aurait pu chanter à
Georges, la comptine chère à Kiki, (Moïse Kisling) : « Tous les gens
y puent, …Y sentent la charogne… » et lui demander : « Seurat, ne
vois-tu rien venir ? » Et il eût répondu :« Je ne vois que Paul
Signac qui flamboie, Signac qui poudroie, Si-gnac, gnac, gnac, mon cher
Sauveur, qu’à la bonne odeur ! »